Le grand savant et intellectuel Bruno Latour, qui vient de nous quitter, jouissait d’une immense reconnaissance à l’international, notamment aux Etats-Unis où il a beaucoup enseigné. Reconnu pour ses travaux fondateurs en philosophie et sociologie des sciences, il avait ces dernières années consacré toute son énergie à tirer le signal d’alarme des conséquences du changement climatique, l’entrée dans l’ « Anthropocène » pour utiliser son vocabulaire.

Il avait notamment, en 2017, publié un essai très inspirant, Où atterrir ?, qui avait été traduit dans de nombreuses langues. L’équipe du Grand Site de France de Bibracte s’est complètement reconnue dans son analyse de la situation et dans son injonction d’« atterrir », c’est-à-dire, pour chacun de nous, de cultiver l’attachement à son lieu de vie, comme moyen d’accorder plus d’attention à la préservation de la biosphère (la « zone critique ») et à l’ensemble de ses « occupants » humains et non-humains, cet « atterrissage » étant envisagé comme une alternative aux orientations antagonistes de la globalisation et du repli sur soi.

Ce point de vue inspirant nous avait conduit à l’inviter pour l’édition de 2019 des Entretiens de Bibracte-Morvan, dont le titre était Faire monde commun. Grâce à l’entregent de Caroline Darroux, directrice de la Maison du patrimoine oral de Bourgogne, et de Karine Basset, chercheuse au laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes (LAHRA), Bruno Latour put être contacté et il accepta de consacrer une journée avec nous. Toutes les personnes présentes se souviennent de sa grande simplicité et de son exposé particulièrement éclairant, énoncé avec beaucoup de pédagogie.

Face à l’urgence des enjeux climatiques et malgré la maladie, Bruno Latour avait multiplié les interventions dans les enceintes les plus diverses. Sans aucun doute, sa vision et son action militante auront durablement marqué le débat politique relatif au changement climatique.

Illustration : Bruno Latour à la Maison du Beuvray le 11 septembre 2019, dans le cadre des 14e Entretiens de Bibracte, Faire monde commun, avec un de ses compagnons de route, l’architecte Soheil Hamirbaba.