actualite - 31 août 2016

Collaboration entre Bibracte et Bratislava

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Les Eduens de Bibracte resserrent leurs liens avec les Boïens de Bratislava

En 1899, Joseph Déchelette avait cru trouver la preuve de contacts directs entre les Eduens de Bourgogne et les Boïens de Bohême sous la forme d’objets identiques à ceux de Bibracte exposés dans les vitrines du musée de Prague. Il comprit ensuite que ces objets dénotaient en réalité des liens plus complexes et plus larges au sein de l’Europe moyenne.

Aujourd’hui, on pense qu’un des principaux centres de pouvoir du peuple boïen était localisé à Bratislava, sous la forme d’une fortification de la fin de l’âge du Fer centrée sur la colline du Château, occupée aujourd’hui par une impressionnante construction d’origine médiévale qui domine la capitale de la Slovaquie. Des fouilles systématiques conduites depuis quelques années par les archéologues de l’Institut municipal du Patrimoine (Mestský ústav ochrany pamiatok) à la faveur d’un grand programme de mise en valeur du château ont révélé d’insolites vestiges de constructions romaines contemporains des premières constructions romaines de Bibracte. C’est pour examiner de façon plus précise cette coïncidence que l’Institut municipal du Patrimoine et Bibracte ont lancé en cette année 2016 une coopération dans le cadre du programme Stefanik co-financé par la France et la Slovaquie. Cette coopération se traduit dans un premier temps par des voyages d’étude croisés. Après avoir accueilli début août des archéologues slovaques, une petite délégation de jeunes chercheurs associés à Bibracte, menée par Vincent Guichard, directeur général, s’est rendue dans la capitale slovaque du 24 au 26 août. Cela a été l’occasion de prendre connaissance de façon détaillée du dossier archéologique de Bratislava.

Les constructions romaines se signalent tout d’abord par leur précocité, puisqu’elles sont datées au plus tard du milieu du Ier siècle avant notre ère, soit plus d’un demi-siècle avant l’installation durable de l’armée romaine sur le Danube. Elles se distinguent encore par leur qualité : les maçonneries de pierre, les pavements décorés en opus signinum et les fragments de peintures murales dénotent à l’évidence l’intervention d’artisans originaires d’Italie. Ces caractères originaux sont également renforcés par le devenir insolite de ces constructions : elles furent détruites lors d’une mise à sac du site de la ville dont on a retrouvé à plusieurs reprises les squelettes des victimes dispersés sur les sols d’abandon. La datation de cet évènement violent en plein Ier siècle avant notre ère permet d’envisager sa mise en relation soit avec les campagnes militaires de Burebista, roi des Daces et des Gètes, contre les Boïens vers 60-58 avant notre ère (qui conduisirent d’ailleurs un contingent de Boïens à se joindre à la migration des Helvètes qui sera stoppée en 58 par César près de Bibracte), soit plutôt à une campagne menée par Octave (le futur empereur Auguste) au-delà de l’Adriatique vers 35-33 avant notre ère.

Les archéologues de Bibracte n’étaient pas venus rechercher des témoignages des contacts directs qui ont pu exister entre Bratislava et Bibracte, mais plutôt comprendre le contexte d’une implantation aussi précoce de constructions romaines, pour éclairer le même phénomène que l’on observe à Bibracte au lendemain de la conquête césarienne. A Bratislava, cette implantation est à l’évidence à mettre en relation avec le fait que le site est lieu de résidence d’une élite indigène, qui pouvait ainsi afficher son prestige au travers d’une architecture exotique raffinée. Elle est aussi certainement en relation avec une activité commerciale importante, le site étant idéalement situé à la croisée de deux itinéraires majeurs : le Danube et la « route de l’ambre » qui joignait l’Adriatique à la Baltique.

La collaboration va s’étoffer dans les mois à venir par des échanges d’expérience et d’expertise, notamment dans le domaine des études architecturales qui mobilisent à Bibracte plusieurs jeunes chercheurs qui trouvent sur place des matériaux pour leurs mémoires universitaires.

Vincent Guichard, le 29 août 2016

 

Photo : le 26 août dans les locaux de l’Institut municipal du patrimoine de Bratislava, un exceptionnel lingot de cuivre de 12 kg du Ier siècle avant notre ère retrouvé récemment dans les fouilles de la colline du Château, entre les mains des archéologues Margaréta Musilová et Branislav Resutík et sous le regard de Vincent Guichard.