Disparition de Jean-Paul Guillaumet, initiateur et âme du programme de recherche archéologique sur le mont Beuvray
Jean-Paul Guillaumet nous a quittés ce mercredi 4 juin, victime d’une maladie foudroyante qui l’a emporté en quelques jours. Cette disparition soudaine affecte profondément la communauté bibractienne, résolument européenne, qui s’est constituée au cours des quatre dernières décennies autour du programme de recherche consacré à l’ancienne capitale éduenne dont il a longtemps été la cheville ouvrière.
Jean-Paul occupe une place essentielle dans l’histoire récente de Bibracte.
Né en 1947, il a largement contribué à la réouverture du dossier archéologique du mont Beuvray, au moyen d’une thèse de doctorat de 3e cycle soutenue en 1979 sous la direction de Paul-Marie Duval.
Au cours des années 1970, en particulier durant la période où il fut conservateur au musée Rolin d’Autun (1975-1980), il n’eut de cesse de plaider pour la reprise des fouilles sur le mont Beuvray et parvint à convaincre des personnalités qui jouèrent un rôle déterminant par la suite, comme Christian Goudineau, qui défendit la cause du Beuvray auprès de Jack Lang, ministre de la culture du nouveau président François Mitterrand, dès le printemps 1981, et qui accompagna étroitement la montée en puissance du projet depuis sa chaire au Collège de France et au fil de ses nombreuses responsabilités au sein de l’archéologie française.
Son recrutement par le CNRS en 1980 accéléra le processus : après un cours passage au Centre de recherche d’Histoire ancienne de Besançon, il intégra en 1982 le laboratoire d’archéologie de l’École normale supérieure (l’actuel laboratoire AOROC), au sein duquel Christian Peyre avait commencé à constituer une équipe d’archéologie protohistorique. C’est ce laboratoire qui assura la reprise des fouilles du Beuvray en 1984, Jean-Paul se positionnant évidemment en première ligne auprès de Christian Peyre, avec un petit groupe de collègues parmi lesquels Olivier Buchsenschutz, Alain Duval, Katherine Gruel.
C’est entre 1985 et 1990 que le programme de recherche acquit une dimension européenne avec, dans un premier temps, la constitution de son conseil scientifique, puis l’accueil de différentes équipes universitaires : Bologne (Daniel Vitali), Bruxelles (Pierre-Paul Bonenfant), Budapest (Miklós Szabó), Edimbourg (Ian Ralston), Kiel (Alfred Haffner), Lausanne (Daniel Paunier), Madrid (Martin Almagro Gorbea), Prague (Peter Drda), etc.
Constatant l’ampleur que prenait le projet, le président Mitterrand l’inscrit sur la liste des Grands Travaux culturels de l’État en 1989. Mis à disposition par le CNRS, Jean-Paul prit alors la direction de la SAEMN (société anonyme d’économie mixte nationale) du Mont-Beuvray, constituée pour l’occasion, aux côtés de Michel Colardelle qui en assura la présidence. S’en suivirent quatre années exaltantes mais difficiles, qui permirent simultanément de compléter largement les acquisitions foncières sur le mont Beuvray, qui avaient été initiées en 1980 par le Parc naturel régional du Morvan, de construire le centre archéologique européen et le musée qui porta initialement le nom de musée de la civilisation celtique, sans oublier la mise en place de la SAEMN. La tâche fut menée à bien puisque le centre archéologique et le musée purent être inaugurés – de justesse – par le président Mitterrand dans les derniers jours de son second mandat, le 4 avril 1995. Dans cette aventure, Jean-Paul déploya ses talents de bâtisseur en concevant des équipements techniques totalement inédits pour les archéologues, provoquant l’incrédulité de certains, mais dont la pertinence est amplement démontrée par le fait que tout fonctionne encore, plutôt bien, trente ans plus tard.
Jean-Paul regagna les rangs du CNRS en 1994, cette fois dans le laboratoire dijonnais ARTEHIS nouvellement créé, dont il devint le directeur quelques années plus tard. Il n’abandonna pas le Beuvray pour autant, avec notamment l’ouverture d’un important chantier dans la Côme Chaudron, auquel il convia des collègues tchèques et polonais qui sont aujourd’hui encore des partenaires très actifs du programme de recherche.
On lui doit également une implication de tous les instants dans l’accompagnement des étudiants et des jeunes chercheurs. Cela s'est notamment manifesté par sa participation à la création de l'École européenne de protohistoire de Bibracte. Cette initiative a commencé lors d'un colloque international organisé par un groupe de ses doctorants et post-doctorants, qui ont voulu célébrer le 20e anniversaire des fouilles à Bibracte. Lors de cet événement, 80 jeunes chercheurs européens spécialisés dans l'âge du Fer se sont réunis à Bibracte.
Enfin, on ne peut pas conclure sans évoquer sa passion pour les livres et les archives, qui s’est manifestée par son implication sans faille dans l’enrichissement de la bibliothèque du centre archéologique, où il a œuvré assidument jusqu’à ces dernières semaines.
Vincent Guichard,
Directeur général de Bibracte
Le 5 juin 2025