Une intaille a été découverte en fouilles cet été sur le chantier de la maison PC2.
La notice ci-dessous a été rédigée par Charlotte Defer, archéologue :
Bague en fer dont la monture est identifiable au type Guiraud 2c, sertie d’une intaille composée de trois couches de pâte de verre, de couleur orangée, imitant la cornaline. Elle est ornée d’un personnage féminin représenté de trois-quarts dos et vêtu d’une tunique courte, se déplaçant vers la gauche de la représentation. Le bras gauche est replié tandis que la main droite, rejetée en arrière, tient un objet semblable à un arc. D’après cet attribut, le personnage représenté pourrait être la déesse Diane. Le style de la représentation ainsi que la monture permettent de proposer une datation du Ier siècle après J.-C. Parmi les seize intailles retrouvées en contexte archéologique à Bibracte, huit sont en pâte de verre, quatre en cornaline, et quatre en calcédoines diverses. La quasi-totalité des montures des bagues sont composées de fer. La bague découverte cette année se démarque cependant par la typologie de sa monture, les montures des autres bagues retrouvées sur l’oppidum sont plus précoces, du type 1b ou 1c. Le motif est original également, il n’a pas été identifié ailleurs, d’après les intailles recensées par Hélène Guiraud. A Bibracte, douze intailles présentent un décor lisible. La représentation humaine est assez courante, elle figure sur sept des décors. Hercule est fréquemment représenté, il apparait sur trois intailles. Trois intailles possédaient un personnage féminin, notamment la déesse Victoire et la Muse Polymnie. Les autres intailles découvertes sur l’oppidum sont décorées de motifs animaliers, pour quatre d’entre elles, ou d’objets, comme des masques de théâtre.
Généralités :
En Gaule : 28% des intailles répertoriées sont en pâte de verre, 26% en cornaline, 15% : autres pierres, 12% : nicolo (calcédoine opaque = onyx, formé de deux couches : noire et bleu clair en surface), 9% jaspe. Forme plate ou bombée, plus rare. Ici : forme bombée. Dimensions : en moyenne 1 à 2,5 cm pour les bagues des Iers-IIe siècles.
Matériau :
Pâte de verre, 3 couches : bleu foncé, blanc, orangé (D. Lacoste). Peut-être imitation de la cornaline : fin de la République-Ier siècle (Guiraud 2008, p. 73). A noter : pâte de verre bi/tricolores, mais juxtaposition des couleurs est présente en surface, fin de la République-époque augustéenne.
Motif :
Description :
Figue féminine, de trois-quarts dos, se déplace vers la gauche. Jambe gauche tendue et jambe droite légèrement fléchie. Vêtue d’une tunique courte et moulante, qui semble découvrir le haut du corps. Tête tournée à gauche et légèrement inclinée vers le bas. Visage difficilement lisible, semble marqué de quelques sillons. Légères stries sur le sommet du crâne : cheveux relevés ? A l’avant de la tête : motif circulaire ? Couronne/croissant de lune ? Bras gauche replié, la main semble tenir un objet qui est porté au regard. Le bras droit semble replié vers l’arrière et tenir un objet : arc, pedum, instrument de musique ? A la gauche du personnage : un autre motif se détache : pan du vêtement, nébride, un autre objet : rouleau ?
Figures mythologiques proches :
.Muse à demi-nue, trois-quarts dos, devant une colonne : cf monnaies de Pompeius Musa, 68-66 av., circulent beaucoup à la période augustéenne. Possèdent souvent un drapé leur couvrant le bas du corps. Tiennent des instruments de musique, parfois un masque de comédie vers lequel elles regardent (Guiraud 1988 pl. IV, Guiraud 2008 pl. III).
.Diane : Trois façons principales de la représenter : tire à l’arc, marche en tenant un pedum auquel est suspendu du gibier, type éphésien : idole (Guiraud 1988, pl. V). Pourrait se rapprocher des pièces où la déesse se déplace en portant son gibier.
.Satyre : se déplace, de trois-quarts face, tient un pedum derrière lui et tend devant lui une grappe ou un masque. Pans de la nébride parfois visibles (Guiraud 1988, pl. XVII et XVIII, Guiraud 2008, pl. XII).
.Vénus Victrix : même position de déplacement, une arme : le plus souvent une lance, mais bas du corps drapé, tête inclinée regarde un objet tenu par le bras plié : souvent un casque (Guiraud 1988, pl. XXI).
Datation :
Chevelure striée : utilisée couramment du Ier av. au IIe ap., s’accompagne souvent d’un bourrelet pour représenter les cheveux. Les femmes portent en plus un chignon rond et bas.
Style classique modelé ? Ier-1ere moitié du IIe, modelé souple, muscles détaillés. Profils variés : face, dos, trois-quarts dos. Proportions de la figure équilibrées. Différence de traitement des visages : détaillés ou schématisés par quelques sillons pour marquer le nez, les lèvres, le menton, puis la joue et l’œil. Recherche de réalisme pour les pieds, mains et articulations. Tissus utilisés pour figurer une impression de volume. Proche de l’art augustéen. Goût pour les divinités et les animaux, motifs inspirés de l’art hellénistique, rappellent parfois des sculptures (Guiraud 1988, pp. 48-50).
Monture :
En fer. Type 2c d’après Guiraud 1988, p. 79 : Ier-IIe siècle.
Thèse C. Barbau :
Bagues à intailles constituent des marqueurs de la romanisation : n’existent pas dans la parure celtique. Monture des bagues tardo-républicaines en contextes laténiens et augustéens correspondent surtout au type 1 : épaules hautes, intaille occupe une large partie du chaton.
Bagues à intailles découvertes à Bibracte : 21 objets de type italique
.Pâture du Couvent, La Tène D1b : intaille en cornaline avec gouvernail et dauphin. Fin IIe-début Ier (obj 312 p. 55)
.Pâture du Couvent-îlot des Grandes Forges, LTD1b : intaille en agate rayée, chien de chasse (obj 313 p.55) ; bague cuivreuse avec intaille en pâte de verre, deux masques adossés, monture type 1b (obj 314 p. 55).
.PC1, horizon 1 : bague à intaille en fer, incrustation disparue, 130/120 à 90/80 av, type monture indéterminé (obj 318 p. 56).
.PC1, horizon 2, LTD2a : bague en fer, chaton plat sans décor apparent, monture type 1b (obj 317 p. 56).
.La Côme Chaudron, LTD2a (1ere moitié 1er s. av.) : bague en fer, intaille en pâte de verre à 3 couches, bombée. Monture type 1c (obj 308 p. 54).
.PC14, LTD2b : bague et pâte de verre orangée avec taureau, seconde moitié 1er s. av. Monture type 1b (obj 320, p. 56).
.La Côme Chaudron, Augustéen précoce : bague en fer, intaille a disparue, monture type 1b ou 2a (obj 307 p. 54).
.PC4, Augustéen précoce : bague avec intaille en jaspe noir, personnage nu et debout : Hercule ?, monture en fer de type 1c (obj 323 p. 57).
.Pâture du Couvent, cave, fin Ier s. av. : intaille en sardoine noire, Hercule (obj 315 p. 55).
.PC 14, Augustéen tardif : bague en fer, intaille en verre noir très corrodé, avec un personnage debout, monture type indéterminé.
.Theurot de la Wivre, Augustéen moyen : intaille en pâte de verre translucide, décor non identifié (obj 321, p. 133).
.La Côme Chaudron, Augustéen : intaille en pâte de verre miellé ornée d’un Hercule (obj 305 p. 54) ; bague en fer avec intaille en pierre noire, Victoire ailée et bouclier, monture type 1b (obj 306 p. 54).
.PC1, Augustéen ancien-Tibérien, horizon Bibracte 5,6 : bague en fer, chaton plat, anneau déformé par la corrosion, type indéterminé (obj 316, p. 55).
.PC2, 2018 : intaille en cornaline, motif de masque de théâtre.
Contexte imprécis :
.La Côme Chaudron, comblement tranchée Bulliot : bague en fer, intaille en verre orangé a disparu, monture type Guiraud 1b (obj 309 p. 54).
.Pâture du Couvent, îlot des Grandes Forges : bague en fer fragmentaire, intaille en pâte de verre avec personnage féminin assis, monture type 1b (obj 310, p. 54).
.Pâture du Couvent, remblai du Ier s. av. : cornaline, personnage féminin à l’himation, coude appuyé sur une colonnette : motif hellénistique, muse Polymnie. Représentations de Muses inspirées des monnaies (Pomponius Musa, 68-66 av.). Motif de Polymnie est peu courant et disparait au cours du Ier s. ap. (obj 311 p. 55).
.Champlain, remplissage tranchée Bulliot : cornaline, deux chèvres face à face, style globulaire italique du IIe av. (obj 322 p. 56).
D’autres intailles mentionnées par Bulliot et dans l’Album Thiollier : cerf, personnage féminin debout identifié comme Venus sortant du bain.
Monture de type 2 c de l’intaille assez tardive par rapport aux découvertes antérieures, puisque la majorité des montures identifiables sont rattachées au type 1. C. Barbau propose plusieurs hypothèses pour expliquer la présence de ces bagues italiques en Gaule : elles ont pu être apportées par un romain installé en Gaule, il peut s’agir d’un cadeau diplomatique d’un romain à un gaulois, ou encore de la commande d’un gaulois qui a adopté les goûts romains. A Bibracte : beaucoup d’intailles avec Hercule : 3 modèles, culte d’Hercule très présent en Gaule. Quelques animaux représentés. Aussi des motifs liés au théâtre, comme les masques. Les figures féminines sont représentées par les déesses Vénus et Victoire, et la Muse Polymnie.
Bibliographie :
Barbau Clémentine, Romanisation et vie quotidienne : le petit mobilier de type italique en Gaule interne (IIe s. av. J.-C. – Ier s. ap. J.-C.), thèse soutenue en 2015 à l’Université de Strasbourg sous la direction de A.-M. Adam et T. Luginbühl.
Barbau Clémentine, Romanisation et vie quotidienne. L’instrumentum de type italique en Gaule interne (IIe s. av. J.-C. – Ier s. ap. J.-C.), Mergoil, 2019.
Guiraud Hélène, Intailles et camées de l’époque romaine en Gaule, CNRS Editions, vol. 1 : 1988, vol. 2 : 2008.